
Un parfum de PFR
Le décret 2014-513, mettant en place le « nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel dans la fonction publique de l’Etat » (RIFSEEP) a été publié au journal officiel ce 22 mai 2014.
Un bel exemple de dialogue social « à la Hollandaise » puisque lors de la présentation du projet en novembre dernier lors d’un Conseil supérieur de la fonction publique d’État le RIFSEEP avait été massivement rejeté par les organisations syndicales, 20 voix contre et 1 abstention (la CGC). Or c’est pratiquement le même texte, à peine simplifié et amendé à la marge, qui a été publié. C’est pourquoi les critiques de la CGT n’ont pas changé :
- Avec le RIFSEEP on reste dans le cadre de la substitution des primes, qui prennent une place toujours plus importante dans notre rémunération globale, à l’augmentation de la valeur du point d’indice, aujourd’hui totalement déconnecté de l’inflation, avec pour conséquences la baisse des pensions de retraite et la perte de revenu en cas de congé de longue maladie ou de longue durée.
- La tranche la plus élevée de « part fonction » correspond souvent à des fonctions qui sont normalement dévolues à des agents d’un grade supérieur, voire d’une catégorie supérieure. Dans ce cas les primes remplacent l’inscription au tableau d’avancement, ce qui n’est acceptable qu’à titre provisoire, quand l’agent ne remplit pas encore les conditions d’une promotion. Cela pose le problème du niveau très insuffisant des taux de promotion, alors même que la progression globale du niveau des tâches et de la qualification professionnelle des agents justifierait un plan ambitieux de reclassement de C en B et de B en A.
- Les différents niveaux de fonction, dont la classification reste aléatoire, se cumulent avec le Complément Indemnitaire Annuel, nouvelle mouture de la part résultat, accentuant l’individualisation des rémunérations. Ce régime indemnitaire, souvent incompréhensible, permet difficilement la revendication collective puisque les montants de référence sont aussi bloqués que nos salaires. Il incite chaque agent à plaider pour sa pomme, à se valoriser au détriment de ses collègues.
A quoi ça ressemble ?
Ce régime indemnitaire remplace la Prime de Fonction et de Résultat (PFR) pour les corps qui y étaient soumis, soit pour notre établissement les secrétaires administratifs et les attachés. Il s’appliquera également aux adjoints administratifs puis sera étendu progressivement aux corps techniques.
C’est pour quand ? Le nouveau régime sera applicable de plein droit à compter du 1° juillet 2015 aux adjoints administratifs, secrétaires administratifs et attachés d’administration. Il sera applicable au 1° janvier 2017 aux autres corps de fonctionnaires, donc aux techniciens supérieurs et aux Ingénieurs de l’Agriculture et de l’Environnement. Mais attention, il s’agit là de dates butoirs qui peuvent être anticipées au niveau de chaque ministère puisque le décret s’applique à compter du 1° juillet 2014. Or le ministère de l’agriculture aime bien se montrer bon élève ; mais peut-être vaudrait-il mieux une application en année pleine plutôt que de changer de système de primes en cours d’année, formule pour laquelle nous avons déjà donné.
Le problème est que les agents des établissements publics sous tutelle n’auront pas leur mot à dire puisque – et c’est scandaleux – nous ne sommes ni électeurs ni éligibles au Comité technique ministériel !
Une inconnue : les modifications que cela devrait impliquer pour les agents du statut unifié, question qui devrait être abordée au plus vite car leur régime actuel n’est vraiment pas satisfaisant. Par ailleurs cela devrait être l’occasion de mettre en place un régime indemnitaire pour les agents contractuels (CDI ou CDD de droit public) qui n’ont pas de primes.
Tout comme la PFR, le RIFSEEP (il va falloir s’habituer à ce sigle barbare, à moins que ne s’impose la dénomination de PFR-BIS) se compose de deux parties.
1° – Une indemnité de fonctions de sujétions et d’expertises (IFSE) ;
Cette première partie ressemble étrangement à la « part fonction ». Elle prendra en compte :
- Les fonctions d’encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ;
- La technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l’exercice des fonctions ;
- Les sujétions particulières ou degré d’exposition du poste au regard de son environnement professionnel.
Rien de nouveau sous le soleil, sauf que nous ne connaissons pas encore les montants de référence, si tant est qu’il y en ait, ni le nombre de niveaux de fonctions, sauf pour les adjoints administratifs, pour lesquels l’arrêté d’application a été signé en même temps que le décret et prévoit seulement deux niveaux de fonction. L’arrêté pour le corps des adjoints administratifs comporte deux niveaux de montants : un pour les adjoints, un pour les A.A.P., ainsi qu’un écart entre le siège et les services déconcentrés. Nous y reviendrons dans un article plus détaillé.
Cela peut aboutir pour les autres catégories à un plus grand nombre de niveaux entre le montant plancher et le maximum, donc des classifications plus aléatoires ou arbitraires qu’avec la PFR qui pourtant… D’autre part le nouveau système pourrait offrir une opportunité pour les attachés du siège central d’être enfin alignés sur les montants d’administration centrale, mais rien n’est gagné car le ministère ne cherche guère à valoriser les agents des établissements publics sous tutelle ; pour l’instant rien n’est bouclé, à nous de mettre la pression.
Nous avons exposé plus haut nos critiques de la RIFSEEP. L’idéal serait naturellement que les fonctionnaires se mobilisent pour l’abrogation d’un décret imposé par le gouvernement contre le refus quasi-unanime (une seule abstention, vingt votes contre) de tous leurs syndicats. Le retrait du texte conditionne en effet une véritable négociation sur la place et le montant des primes dans la fonction publique, car avec un tel verrou la concertation au niveau de chaque ministère ne pourra porter que sur des clopinettes. La rédaction de l’article 2 est édifiante : le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d’emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et, le cas échéant, du ministre intéressé. Le cas échéant c’est déjà tout un programme. Autant dire qu’un ministère qui se voudrait trop généreux sera promptement rappelé à l’ordre par le Budget !
Attention, le décret spécifie que l’indemnité de fonctions de sujétions et d’expertises est « exclusive, par principe, de tout autre régime indemnitaire de même nature », ce qui pourrait remettre en cause l’indemnité de sujétion perçue par les contrôleurs. Ce sera donc l’enjeu d’un combat, sachant que la PFR se voulait déjà exclusive et que nous saurons défendre le caractère très spécifique de notre I.S. qui n’est pas une prime mais une compensation.
2° – Un complément indemnitaire annuel (CIA) ;
Là encore, un air de déjà vu… et un risque de modulation aggravée. En effet si le gouvernement avait annoncé vouloir relativiser la part « résultat » par rapport à celle liée aux fonctions nous n’avons pas encore de montants précis, sauf pour les adjoints administratifs. Or pour ces personnels, qui n’étaient pas soumis à la PFR, il est à craindre que les écarts soient plus importants que ceux résultant actuellement de la modulation de la prime spéciale. Malgré les bonnes intentions proclamées la Fonction publique souhaite permettre aux hiérarques de continuer à « surveiller et punir » en tapant les mauvais éléments au porte-monnaie. Comme le texte ne prévoit qu’un montant maximum de la CIA il faut en déduire que le complément pourra être égal à zéro.
En outre il est probable que les résultats de la « course aux objectifs » prennent davantage de place dans le nouveau régime indemnitaire des catégories B et A ; c’était déjà le cas pour les corps soumis à la PFR, le poids de la part résultat étant plus fort pour les grades les plus élevés.
Le versement de l’I.F.S.E. sera mensuel, mais celui de la CIA annuel ou au mieux semestriel.
Le test des adjoints administratifs
Rien ne dit que le RIFSEEP s’appliquera d’abord à cette catégorie puisque la date limite du 1° juillet 2015 est la même pour tous les corps administratifs, mais à ce jour c’est le seul arrêté publié et qui apporte quelques précisions. Nous avons donc une base pour discuter lors du groupe de travail « primes » du mardi 3 juin, ou plutôt pour obtenir des éclaircissements car, comme signalé plus haut, c’est au niveau ministériel que ça se décidera.
Ce qui ressort de l’arrêté, c’est que pour les adjoints il n’est prévu que deux groupes (niveaux) de fonction. Notre position est que le groupe 1 ne doit pas être réservé aux agents effectuant des tâches de catégorie B, ces derniers ayant vocation à être promus. Cependant dans l’arrêté la distinction de groupe ne joue que sur le montant maximum annuel. C’est le grade qui est pris en compte pour le montant minimal de l’I.F.S.E.
Comme il est improbable que le montant retenu par le ministère atteigne le maximum autorisé, soit 12.150 € pour le groupe 1 en administration centrale (en 2013 la prime moyenne perçue par un AAP 1 en administration centrale du MAAF était de 8.657 €) et que le minimum pour un AAP s’élève, si on peut dire, à 1.600 €, la bagarre risque surtout de porter sur le fait qu’aucun agent ne perde un seul euro. Pour nos adjoints administratifs du siège central le risque est faible car suite à la revalorisation des primes intervenue en 2013 au ministère l’écart au détriment des agents de FAM se situe autour de 1.000 €. Peut-être même y a-t-il des gains à attendre. Mais le préalable est qu’ils soient reconnus comme des personnels d’administration centrale, ce que le libellé du texte devrait permettre.
Le changement de régime pourrait en revanche poser quelques problèmes en région, car les primes des adjoints administratifs de FranceAgriMer sont supérieures à celles, misérables, des agents des DRAAF. Certes l’écart entre administration centrale et services déconcentrés est, au niveau des montants maximum et minimum figurant dans l’arrêté, sensiblement moindre que celui actuellement pratiqué au ministère, mais rien ne dit que ce dernier ne mettra pas à profit les marges de manœuvre relatives à la détermination des montants réels servis pour reconduire la maltraitance indemnitaire qu’il inflige aux adjoints des services déconcentrés.
le 3 juin nous aurons au moins une idée des fronts de lutte que nous devrons ouvrir.